Cette fiche méthode a pour objectif de visualiser l'évolution en matière de soins en France et à l'étranger ces 45 dernières années.
Années 1970 | - Développement de l'évaluation médicale aux USA (via groupes homogènes de malades, conférences de consensus, recommandations professionnelles) |
Années 1980 | - Contexte général de promotion de l'évaluation. Généralisation de l'évaluation des politiques publiques |
Années 1990 | - ANDEM (1989-1997) : Production de recommandations |
Années 2000 | - Démarches d'assurance qualité (ex : certification de l'EFS selon la norme ISO 9001) |
Années 2010 | - Ordonnance relative à l'accréditation des LBM via la norme ISO 15189 (2010) dans un contexte européen |
(1) D'autres vigilances thématiques seront successivement mises en œuvre, souvent au décours d'évènements indésirables graves, parfois médiatisés : Pharmacovigilance (médicaments, 1995, 2004), Matériovigilance (dispositifs médicaux, 1996), Toxicovigilance (produits toxiques, 1999), Nosovigilance / infectiovigilance (risque infectieux, 2001), Réactovigilance (dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, 2001, 2004), Biovigilance (organes, tissus, cellules et produits thérapeutiques annexes, 2003), Cosmétovigilance (produits à finalité cosmétique, 2000, 2004), Radiovigilance (2010).
Synthèse des sigles utilisés
AFS : agence française du sang (devenu EFS), AHRQ : agency for healthcare research & quality, ANAES : agence nationale d'évaluation en santé (devenue HAS), ANDEM : agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (devenue ANAES), ARH : agence régionale d'hospitalisation (devenue ARS), CME : commission / conférence médicale d'établissement, CCECAQ : comité de coordination de l'évaluation clinique et de la qualité, CTSA : centre de transfusion sanguine des armées, DPC : développement professionnel continu, DREES : direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (ministère de la santé), EFS : établissement français du sang, EHPAD : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ENEIS : enquête nationale sur les évènements indésirables associés aux soins, EPP : évaluation des pratiques professionnelles, FM : fiche méthode, FNCLCC : fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, GBEA : guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale, HAS : haute autorité de santé, HPST : hôpital, patients, santé, territoires, ISO : organisation internationale de normalisation, JAMA : journal of the american medical association, LBM : laboratoire de biologie médicale, PNSP : programma national pour la sécurité des patients, PSL : produits sanguins labiles, RCB : rationalisation des choix budgétaires, RMM : revue de mortalité et de morbidité, SPLF : société de pneumologie de langue française, SRLF : société de réanimation de langue française, UNAFORMEC : union nationale des associations de formation médicale continue
- un rapport national sur la qualité et la disparité des soins dans le domaine de la sécurité du patient :
https://www.ahrq.gov/sites/default/files/wysiwyg/research/findings/nhqrdr/chartbooks/patientsafety/qdrpatientsafetychartbook-2017update-090617.pdf
- un diaporama sur le site :
https://www.ahrq.gov/sites/default/files/wysiwyg/research/findings/nhqrdr/chartbooks/patientsafety/qdrpatientsafetychartbook-final-090617.pptx
- Des données épidémiologiques sur le risque iatrogène provenant d'études étrangères, essentiellement anglo-saxonnes, réalisées à partir d'examens de dossiers et présentant, de ce fait, certaines limites.
- Une étude portant sur la comparaison de trois méthodes d'estimation du risque iatrogène grave en établissement de santé - rétrospective (à partir de l'examen de dossiers), transversale (un jour donné) et prospective (suivi pendant la durée de l'hospitalisation) - conduite auprès de 778 patients hospitalisés dans 7 établissements de santé, publics et privés en médecine, chirurgie et gynécologie-obstétrique.
- Au total, 241 évènements iatrogènes graves ont été identifiés par l'ensemble des trois méthodes chez 174 patients. Environ la moitié de ces évènements iatrogènes a été jugée évitable, 40 à 60% étaient attendus compte tenu de l'évolution de la maladie ou de l'état du malade et 40% sont survenus avant l'hospitalisation. Le taux d'incidence estimé par la méthode rétrospective est comparable à celui des études étrangères (environ 15%).
- La méthode transversale aboutit plutôt à une sous-estimation du risque, tandis que les deux autres méthodes semblent aussi efficaces l'une que l'autre. Pour l'identification des évènements évitables, la méthode prospective semble en outre la plus satisfaisante : plus efficace que la méthode rétrospective, elle est aussi plus reproductible et a la préférence des professionnels en raison de ses vertus pédagogiques et de sensibilisation.
Concernant la période d’hospitalisation, l’enquête ENEIS2 de 2009 évoque la survenue de 275 000 à 395 000 évènements indésirables graves (EIG) par an, soit 6,2 EIG pour 1000 jours d’hospitalisation (9,2 en chirurgie et 4,7 en médecine), environ un EIG tous les cinq jours dans un service de 30 lits, un tiers d’entre eux étant considérés comme évitables. Les EIG sont le plus souvent associés à des actes invasifs (NB : tandis que ceux à l’origine d’hospitalisations étant le plus souvent associés aux produits de santé).
Les patients âgés et fragiles sont plus exposés aux EIG évitables, suggérant des pistes d’action ciblées sur certaines catégories de la population.
- 1575 établissements ont répondu à l’enquête (représentativité jugée acceptable).
- 99 % des établissements déclarent avoir un système de signalement, accessible à tous les professionnels. Mais 52 % seulement disposent d’une méthodologie d’analyse des causes pour les événements indésirables graves (EIG).
- 90% des établissements déclarent avoir désigné un gestionnaire de risques. Son temps de travail est toutefois inférieur à 0.5 équivalent temps plein (ETP) pour la majorité d’entre eux.
- 76 % des établissements ont constitué une équipe de gestion des risques mais, majoritairement, l’équipe totalise moins d’un ETP (58 % des réponses). De plus, l’équipe traite surtout de la qualité, et moins de la sécurité et de la gestion des risques.
- 52 % estiment avoir un programme de gestion des risques, pour moitié annuel, pour moitié pluriannuel.
- 36 % ont une gestion des risques structurée (comité de pilotage avec rôle décisionnel, gestionnaire de risque et équipe transverse, référents par pôle/service/domaine de risque).
- 26 % ont mis en place une stratégie formelle, systémique, globale et transverse de gestion des risques : stratégie et objectifs de sécurité validés par les instances, démarche inscrite dans le projet d’établissement, formalisation d’une politique traduite en objectifs inscrits dans le Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM).
Les progrès de la médecine permettent d’en diminuer la fréquence par un accès plus rapide au bon traitement (ex : fibrinolyse des infarctus ou des accidents vasculaires cérébraux), par la prévention de complications redoutées (ex : antibioprophylaxie), par des actes moins agressifs ou mieux guidés (ex : chirurgie minimale invasive, actes guidés par imagerie), par un dépistage rapide des complications (ex : surveillance post opératoire) et par une coordination efficace des soins intra et extra hospitaliers.
Ces complications ont plusieurs caractéristiques communes :
- elles sont fréquentes et accessibles à une analyse épidémiologique ;
- leur réduction passe par la démarche d’amélioration continue de la qualité (observance de recommandations, évaluation et amélioration des pratiques professionnelles) tant pour chaque acte que pour le parcours clinique coordonné de chaque groupe homogène de patients ;
- elles permettent une comparaison avec des moyennes régionales ou nationales.
Leurs caractéristiques pour la gestion des risques sont évidemment différentes des évènements précédents :
- leur liste est infinie, ils sont presque toujours perçus de façon très externe, comme survenant « chez les autres », avec alors une faible implication des établissements (faible apprentissage) ;
- la lutte contre ces évènements est plus difficile, plus distante de la pratique médicale.
Pourtant leur variété renvoie de façon univoque à la même faiblesse sous-jacente de culture de sécurité et d’organisation des établissements. Sans effort particulier pour développer cette culture et cette organisation, aucun établissement n’est à l’abri. Leur réduction s’appuie sur des outils spécifiques :
- repérage (via le système de notification des évènements indésirables) et analyse des signaux faibles tels que les évènements porteurs de risque (EPR) dont la détection et l’analyse constituent la base de la démarche d’accréditation des médecins (évènements forcément plus fréquents que les évènements totalement réalisés) ;
- démarches d’analyse approfondie d’accidents (ex : mise en œuvre de RMM) ;
- démarches préventives (ex : audits, visites de risque, analyses de processus, mise en œuvre de la méthode du patient traceur) destinées à identifier les défaillances latentes dans les organisations ;
- mise en œuvre de bonnes pratiques de sécurité (ex : check-list en bloc opératoire ou entrainements individuels ou collectifs effectués par simulation pour une maîtrise accrue de situations à risque, etc.).
Il faut reconnaître que l’assemblage cohérent de ces cadres, de même qu’une gouvernance et une culture de la sécurité qui les transforment en priorité réelle, font régulièrement défaut.
- soit obligatoires (ex : accréditation de laboratoires d’analyses de biologie médicale, inspection d’activités, telles celles relatives à l’utilisation de rayonnements ionisants),
- soit relevant de démarches volontaires (ex : accréditation d’activité de greffe de cellules souches hématopoïétiques, certification d’unités de stérilisation).
Ces nouvelles dispositions traduisent une évolution forte, d’une approche traditionnellement centrée sur le « produit » (ici la prestation relative à un soin) vers une approche globale centrée sur le « système » (gestion sécurisée du parcours de soins), prenant en compte les points clés de la prestation mais aussi son management et les activités de soutien impliquées.
1Sources :
Hassenteufel P, Robelet M. Les médecins placés sous observation. Mobilisation autour du développement de l'évaluation médicale en France. Politix. 1999, Vol. 12. 71-97
Matillon Y, Durieux P. De l'évaluation à la qualité en médecine. Aspects historiques. in L'évaluation en santé. De la pratique aux résultats. Flammarion. 2007. 3-10
Sites consultés : Ministère de la Santé, Haute Autorité de Santé
2de Vries E N, Ramrattan M A, Smorenburg S M, Gouma D J, Boermeester M A. The incidence and nature of in-hospital adverse events : a systematic review. Quality Safety Health Care ; 17 : 216-223
3Michel P, Quenon JL, Sarasqueta AM, Scemama O. L'estimation du risque iatrogène grave dans les établissements de santé en France : les enseignements d'une étude pilote dans la région Aquitaine. Drees, Etudes et résultats 2003 ; 219 : 1-8.
4Michel P, Quenon JL, Djihoud A, Tricaud-Vialle S, De Sarasqueta AM et al. Les événements indésirables graves liés aux soins dans les établissements de santé : premiers résultats d'une étude nationale. Etudes et Résultats, Mai 2005;(398):1-15
5Djihoud A, Quenon, JL, Michel, Tricaud-Vialle S, de Saraqueta AM. Hospitalisations causées par des évènements indésirables liés aux soins, résultats de l'étude Eneis dans les établissements de santé français, 2004. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n°49, 5 décembre 2006, 388-90
6DREES, Michel P, Minodier C, Lathelize M, Moty-Monnereau C, Domecq S, et al. Les événements indésirables graves liés aux soins dans les établissements de santé. Résultats des études nationales réalisées en 2009 et 2004. Dossiers Solidarité Santé 2010;(17).
7DREES. Michel P, Minodier C, Lathelize M, Moty-Monereau C, Domecq S, Chaleix M, Izotte-Kret M, Bru-Sonnet R, Quenon J-L, Olier L. Enquête nationale sur les évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé. Premiers résultats de l'enquête ENEIS 2009 et comparaison avec 2004. Dossiers solidarité et santé, n°17, 2010 (18 pages)
8DREES, Michel P, Minodier C, Moly-Monnereau C, Lathelize M, Domecq S et al. Fréquence et part d’évitabilité des évènements indésirables graves dans les établissements de santé : les résultats des enquêtes ENEIS. Le panorama des établissements de santé 2011;9-16.
9DREES. Michel P, Minodier C, Moty-Monereau C, Lathelize M, Domecq S, Chaleix M, Kret M, Roberts T, Bru R, Quintard B, Quenon JL, Olier L. Les évènements indésirables graves liés aux soins dans les établissements de santé : fréquence, évitabilité et acceptabilité. Etudes et résultats, n°761, mai 2011 (8 pages)
10Wachter RM. Patient safety at ten: unmistakable progress, troubling gaps. Health Aff 2010;29(1):165-73.
11Vincent C, Aylin P, Franklin BD, Holmes A, Iskander S, Jacklin A, et al. Is health care getting safer? BMJ 2008;337:a2426.
12Ces résultats ne classent pas les organisations de santé parmi les activités les plus sûres comme l’industrie nucléaire ou l’aviation civile. En effet, si la fréquence d’EIG en santé est de 10-3 (1/1000) par journée d’hospitalisation, la fréquence des catastrophes dans ces industries est de 10-6 (1/1.000 000) par exposition.
13Desenclos JC, Brun-Buisson C. La lutte contre les infections associées aux soins: des progrès certes, mais il faut continuer la mobilisation !. Editorial. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 2011;(15-17).
14Observatoire des risques médicaux. Rapport 2010 relatif aux années 2006 à 2009. Bagnolet: ONIAM; 2010
15Rapport réalisé pour la DHOS, portant sur le diagnostic de la mise en place des programmes de gestion des risques dans les établissements de santé depuis la diffusion de la circulaire DHOS E2-E4 n°176 du 29/03/04. Septembre 2009
16Seiden SC, Barach P. Wrong-side/wrong-site, wrong-procedure, and wrong-patient adverse events: Are they preventable? Arch Surg 2006;141(9):931-9.
17Clarke JR, Johnston J, Finley ED. Getting surgery right. Ann Surg 2007;246(3):395-405.
18Direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques, Exertier A, Minodier C. Quelle acceptabilité des évènements indésirables graves dans la population et chez les médecins ?. Le panorama des établissements de santé 2011;21-31.
19Leape L, Berwick D, Clancy C, Conway J, Gluck P, Guest J, et al. Transforming healthcare: a safety imperative. Qual Saf Health Care 2009;18(6):424-8.
20Direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques, Exertier A, Minodier C. La construction des politiques de lutte contre les événements indésirables graves en France. Le panorama des établissements de santé 2011;17-19.
21Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires
22Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, Ministère de la Santé et des Sports. La loi HPST à l'hôpital. Les clés pour comprendre. Paris: ANAP;http://www.anap.fr/
23Arrêtés du 22 janvier 2009 fixant les obligations d’assurance de la qualité en radiothérapie et du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé
D'autres sources pour aller plus loin :
. HAS. La culture de sécurité des soins : du concept à la pratique. Décembre 2010. 15 pages
. HAS. Mise en œuvre de la gestion des risques associés aux soins en établissement de santé. Mars 2012. 217 pages
. Amalberti R, Brami J. Audit de sécurité des soins en médecine de ville. Springer. 2013. 183 pages